Rarement l’on verra les pages de la Princesse de Clèves sur les plages estivales. Et pourtant, le noyau est bien centré sur le rôle des femmes dans la culture et la littérature, ce que prêchent les auteurs de romance moderne.
Les préliminaires de la romance
« Romance » n’est pas un genre littéraire officiel et pourtant, c’est un terme qui revient sans cesse ; il s’agit d’un anglicisme dérivé de romance novel. Dans les esprits, cela correspond à de la littérature populaire et féminine marquée notamment par les éditions Harlequin. En fait, on devrait plutôt parler d’un roman sentimental ou d’un roman d’amour et utiliser romance dans un contexte anglo-saxon. Dans tous les cas, le cœur des romans sentimentaux est le développement de la relation (romantique, érotique, charnelle) entre deux personnages. C’est très probablement le seul point commun entre tous les ouvrages de cette grande famille tellement les romans sentimentaux peuvent être des caméléons.
Si le tout premier roman d’amour a été imprimé au XVIIIème siècle, le genre a connu de nombreuses variations qui coexistent toujours. En 1970, c’est à tâtons que les éditeurs américains de romans sériels (publication hebdomadaire) ont commencé à faire de la place à la romance dite historique avec la publication d’un manuscrit de Janet Dailey. Dans ce sous-genre, le nœud de l’histoire est bien évidemment la relation amoureuse mais le cadre spatiotemporel est tout aussi important. C’est à cette époque que la célèbre auteure Nora Roberts se voit refuser un manuscrit sous prétexte qu’il y a déjà un écrivain américain de romance. Aujourd’hui, elle est à la tête de plus de 250 romans.
La romance : un genre caméléon
Au fil des années, ce sont presque autant de sous-genres que d’auteurs qui ont émergé. Avec eux, un portrait sociétal de la femme qui évolue lui aussi. La romance est en elle-même un vivier de genres et permet toute combinaison avec un genre préexistant : romance policière, érotique, romantic fantasy (Twilight, par exemple, qui est aussi qualifié de bit lit, les romances entre vampires), etc.
Sarah MacLean, auteur de The Day of the Duchess, considère que la romance est le fait de mettre la femme au centre de l’histoire et de suivre ses victoires jusqu’à une fin heureuse. Colleen Hoover y voit, elle, un condensé de réponses à des questions existentielles ou sociétales ; « ces histoires sentimentales inspirent les gens et leur offrent une échappatoire dans un monde alternatif » et refont vivre des émotions (heureuses) passées. Un auteur masculin, Santino Hassell, va même jusqu’à décrire la romance comme l’incarnation de l’espoir, voire « la fuite d’un quotidien, dur, agressif et angoissant ».
Du fantasme au réel
Chez certaines lectrices, l’abondance de ces histoires et la fréquence de publication génère une véritable addiction contre laquelle certains psychologues mettent en garde. Par exemple, la star de la romance américaine Maya Banks sort à peu près un livre par mois ! Mais y a-t-il ce type de débats par rapport aux autres genres littéraires ou ne s’agit-il encore que d’une stigmatisation orchestrée par un groupe d’intellectuels ?
Le roman sentimental est l’un des derniers genres populaires à être boudé par la critique voire par son lectorat qui n’assume pas toujours son choix. En effet certains lecteurs sont gênés par l’achat de ce type de littérature car ils savent ce que cela représente pour l’opinion publique ; or, plus les années passent, moins le genre est caricatural, notamment au niveau des professions occupées par les femmes, qui ne sont plus nécessairement infirmières ou secrétaires, mais auto-entrepreneuses ou femmes d’affaires.
De même, les tabous tombent dans la banalité, comme dans le roman Fifty shades of Grey, où les pratiques sexuelles déviantes sont mises à l’honneur et ont passionné des millions de lecteurs. Et de tels ouvrages bouleversent certaines pratiques de la vie quotidienne ; en effet, on a constaté une augmentation des ventes de sextoys juste après la sortie de la saga. Et peu importe la véracité des rapports entre les personnages, du moment que le fantasme est bien là.